• TRADUCTION : Legend of Grimrock rassemble toutes les générations de joueurs

    TRADUCTION : Legend of Grimrock rassemble toutes les générations de joueurs

    John Walker de chez Rock Paper Shotgun nous propose un récit empreint de nostalgie sur ce que le jeu Legend of Grimrock représente pour lui. Si vous êtes émotionnellement sensibles, approchez la boite de kleenex de votre PC… On vous aura prévenus !


    Legend Of Grimrock est un jeu très spécial pour moi. C'est un jeu TRES spécial, point final. Il est splendidement bien fait, brillamment conçu, et absolument captivant avec un minimum d'outils. Regardez la joie qu'il m’inspire. Mais personnellement, c'est aussi un jeu qui me relie en ligne directe avec mon défunt père. Notamment parce qu'il a écrit sur le jeu pour ce même site web.

    Alors, pardonnez-moi de fluctuer entre un discours sensé sur les raisons pour lesquelles c'est un si grand jeu, et une gaufre sentimentale sur combien mon père me manque. 

     S'il y a bien un jeu que papa a aimé dans les cinq dernières années de sa vie, c'est bien Skyrim. S'il y a un jeu auquel je l'ai forcé à jouer, c'est bien Legend Of Grimrock. Je l'ai forcé parce qu'au début de la soixantaine, il était un peu dans une sorte de routine. Ayant été quelqu'un à la pointe du jeu dans les années 1980, ayant même fait la critique des Spectrum 48K avant leur sortie originale (il était dentiste, donc, euh…, je ne sais toujours pas comment il en est arrivé là…), il a conservé cet amour du jeu tout au long des années 1990 et 2000. Et puis, soudainement, c'était presque comme s'il avait perdu confiance en sa capacité à jouer, en alternant entre Skyrim et le XCOM original pendant les six dernières années de sa vie. Quand Grimrock est apparu en 2012, je savais que c'était un jeu qu'il adorerait, ayant passé une grande partie des années 80 et 90 à jouer à toutes sortes de jeux, en particulier Dungeon Master et Lands Of Lore. Mais je savais aussi quand le lançant, il trouverait quelque chose d'un peu moins familier et qu'il redémarrerait XCOM. Donc, mon truc pour le faire jouer, était de lui commander un article sur le sujet.

    Le résultat a été la folie à peine compréhensible qu'a été son article « A Dad In A Dungeon », un article en cinq parties qui a donné naissance à une énorme quantité d'affection de la part des lecteurs de Rock Paper Shotgun. En le faisant écrire (et croyez-moi, cela a nécessité de nombreux appels téléphoniques pour l'implorer de cesser d'être un tel bébé et de continuer à essayer), il a tenu bon, et il a fini par en profiter plus qu'il n'était prêt à l'admettre. Et c'est ainsi que cet excellent hommage aux explorateurs de donjons d'il y a 30 ans est devenu inextricablement lié à mes souvenirs de lui vers la fin de sa vie.

    Pour tout dire, ce n'est pas un jeu auquel il m'a été facile de rejouer. Cela fait quatre ans maintenant qu’il est mort, et le chagrin que je n’avais pas invité est devenu une partie de moi à tel point que je peux y jouer aujourd'hui sans m’écrouler de douleur. Je ne peux toujours pas lire ses articles, je ne sais pas si j'y arriverai un jour, mais je suis enfin retourné vers le jeu.

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     J'avais oublié les crabes. Brrrrr……

    Je pense que ce que j'aime le plus dans Grimrock, c'est qu'il incarne mes souvenirs nostalgiques d'une époque de jeu, plutôt que la réalité un peu moins agréable de ceux-ci. Grimrock, c'est ce dont je me souviens de Dungeon Master, de Lands Of Lore, de Stonekeep ou d'un certain nombre d'autres jeux de la fin des années 80 et du début des années 90, avec des mouvements rapides, des jongleries d'interface utilisateur frénétiques et des puzzles intelligents partout. Contrairement à ce qui se passe lorsque j'essaie de revenir à de tels jeux et de trouver des jeux maladroits et douloureusement lents qui semblent mettre beaucoup plus l'accent sur la répétition et l'échec que sur les situations intrigantes et les intelligences gratifiantes. (J'aimerais tant que cela se fasse pour tous les genres, que quelqu'un puisse reprendre et faire des remake de toutes ces aventures de Sierra que j'ai tant adoré, où l'on peut marcher en toute sécurité sans se faire tuer et sans être sur le qui-vive à tout moment).

    Je m'interroge sur le moi enfant qui était prêt à supporter toutes ces absurdités de jeux, et je me demande s'il y a quelque chose qui ne va pas chez moi maintenant que je ne peux plus. Mais bien sûr, ce n'est pas vraiment ça. Le fait est que les jeux étaient vraiment ennuyeux à l'époque, et nous les supportions parce qu'il n'y avait rien de mieux. Si, dans les années 1980, regarder des films, impliquait qu'il fallait constamment actionner une énorme roue en métal pendant que quelqu'un me piquait les yeux, j'aurais quand même voulu regarder des films dans les années 1980, mais je ne voudrais certainement pas y retourner aujourd'hui, maintenant que ces problèmes gênants ont été réglés.

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    Mais bien sûr, l'autre raison était que je les jouais avec mon père.

    Mon père, comme vous pouvez l'imaginer, était un homme beaucoup plus patient que moi. Avant d'avoir son bureau, il n'avait nulle part où jouer à ses jeux, sauf ce que nous appelions avec optimisme le "bar à petit-déjeuner" dans la cuisine. Je montais sur une chaise et m'asseyais à côté de lui, en le harcelant sans cesse pour qu'il puisse s'amuser, où il me regardait ruiner tous ses progrès ou utiliser cette façon particulière d'écraser tous ses parties  sauvegardées. L'un des jeux que je me souviens le plus d'avoir regardé, à l'âge de 9 ou 10 ans, était Dungeon Master. J'ai tout écrit sur l'expérience de voir la main de papa trembler alors qu'il combattait le dragon du niveau 13 en 2009, donc je ne le répéterai pas une nouvelle fois. Je ne me souviens pas qu'il ne se soit jamais plaint de la fidélité du mouvement, de la lenteur du chargement, du temps qu'il fallait à une porte pour s’ouvrir. Toutes ces choses qui me rendraient fou aujourd'hui. Bien sûr, il n'avait pas conscience que tout le reste était possible, Dungeon Master de FTL était un jeu très avant-gardiste en 1988.

    Legend Of Grimrock rationalise toutes les choses sur lesquelles je ferais tout un plat. Il est si bien assemblé, son mouvement à base de tuiles ne semble jamais restrictif, au contraire, il est merveilleusement fluide. Tourner autour d'une araignée véloce, lancer des coups d'épée et des boules de feu avant de sauter frénétiquement à gauche, en avant, autour, en coupant avec une hache... tout cela fonctionne si bien, qu'une approche autrefois archaïque du mouvement prend tout son sens. Les niveaux sont disposés avec une extraordinaire économie d'espace, des cartes carrées qui tournent en boucle sur elles-mêmes, toujours intéressantes, ne se remplissant jamais d'espace mort. Puis tout disparaît dans des puzzles, des portes de téléportation, des trappes dans le sol vers des chambres secrètes, et mieux encore, des interrupteurs cachés placés dans les textures des murs.

    Mais en fait, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux depuis tout ce temps. Parce que cette fois, à mon grand bonheur, le magnifique visage de mon enfant de cinq ans est apparu à la porte de mon bureau et m'a dit : "Papa ! Je peux regarder ?!" "Bien sûr !" Ai-je dit, sans remarquer le décalage générationnel qui se produisait. Cela ne m'a frappé qu'au moment où je jouais, quand il a sursauté dans son siège à la première apparition d'une araignée. "Oh mon Dieu !" Je pensais dans mon esprit que ce n'était que des images et des sentiments, pas des mots.

    Il a tout de suite été impliqué, son principal travail étant de chercher des boutons secrets. Très vite, il s'est littéralement caché derrière mon dos, ayant grimpé sur son tabouret et regardant par dessus le dossier de ma chaise de bureau, s'accroupissant derrière mes épaules, regardant dehors pour se faire encore plus peur. "Dis-moi quand le crabe est parti papa, j'ai les yeux fermés."

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    "Grand-père aimait ce jeu", lui dis-je, alors que nous entrions dans la chambre du niveau 6, trois araignées apparaissant autour de nous, et je me suis chargé de la porte en haut à gauche. Je l'ai entendu expirer alors que la porte s'abaissait et que les araignées étaient piégées de l'autre côté. Pour Toby, grand-père est une sorte de figure emblématique, ses "souvenirs" de lui étant entièrement basés sur des photographies et des histoires. Il a des jouets fabriqués par grand-père (mon père était étrangement doué pour le travail du bois, il a construit des camions et des bateaux étonnants et un camion de pompiers pour moi quand j'étais petit), qui sont traités comme des reliques sacrées. Il jouait avec, mais avec une vénération qui est si différente de son approche habituelle de la vie. "Vraiment ? ouah", dit-il, avant que tout cela ne soit oublié par la première apparition de l'ogre. Et maintenant, je me demande surtout dans quel pétrin je vais me retrouver avec ma femme pour l'avoir laissé regarder ça (Je suis quelque peu soulagé que le thé et l'heure du coucher nous aient  interrompus avant que je n'atteigne le premier démon de feu planant à la fin du niveau. Je serai impressionné si nous arrivons à passer la nuit sans au moins un cauchemar à base d'ogre).

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    Je ne peux clairement pas attribuer tout ce penchant mièvre à Grimrock. Il était là au bon moment pour que papa et moi puissions nous connecter sur un dernier jeu avant qu'il ne meure subitement quatre ans plus tard. Cela faisait écho à ces souvenirs qui nous unissaient à Dungeon Master quelque 24 ans plus tôt. Et il était là aujourd'hui pour permettre à la spirale du temps de continuer entre mon propre fils et moi. Peut-être qu'un jour Toby me convaincra d'essayer un nouveau jeu après qu'il lui ait rappelé le temps passé assis à côté de moi sur mon PC, puis de le montrer à son propre enfant.

    Pourtant, je peux attribuer à Grimrock une bonne part de ce mérite. Parce que c'est ce jeu générationnel qui a permis de comprendre véritablement les dungeons crawlers d'il y a trois décennies, tout en ayant le sentiment d'être un jeu pertinent et moderne. Et oui, bonté divine, il a lui-même huit ans maintenant, mais son intemporalité signifie qu'il ne semble pas être vaguement daté. Et en fait, ses graphismes sont toujours aussi cool, de l'horreur des petites dents dans la gueule des crabes à la bave brillante sur les escargots. Bien sûr, les murs sont monotones, mais c'était un peu le but.

    Grimrock sera toujours spécial pour moi pour des raisons très personnelles. Mais c'est aussi un grand classique à part entière, et je suis ravi de pouvoir enfin y rejouer.

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    Puis-je encore jouer à Legend Of Grimrock ?

    Absolument, sans aucune modification, sans aucun correctif, juste comme il faut. Il fonctionne superbement en un "stupide" 3440×1440, et n'a pas vieilli d'un jour. Il est sur Humble, GOG et Steam.

    Dois-je encore jouer à Legend Of Grimrock ?

    Sans aucun doute ! Que vous ayez de bons souvenirs des blogueurs de la fin des années 80 (lire : "pour les vieux") ou que vous souhaitiez simplement profiter d'un grand RPG old-school amusant et accessible (lire : "pour les jeunes"), c'est un grand classique.

    L’article original est ici.


    Et vous, avez-vous appris à jouer avec vos parents ? Un Baldur's Gate avec votre grand frère ? Avez-vous des souvenirs aussi touchants que l'expérience personnelle de John Walker ? Forcément, le jeu vidéo est un moyen de se défouler, mais aussi une source dans laquelle se baigner et construire son moi. Car le jeu vidéo n'est pas qu'un loisir pour ado boutonneux et apporte bien des joies et des souvenirs inoubliables chez beaucoup d'entre nous. De la joie, mais aussi des émotions comme la peur, l'empathie, l'ébahissement et bien d'autres encore ...