• Rogue's Tale

    Rogue's Tale

    Lorsque Skoeldpadda me propose de nouveaux roguelikes, tel le gobelin qui frétille devant le moindre bout de viande fraîche, plus communément appelé geek par chez vous les humains, je me jette sur le jeu pour l'ajouter à ma collection grandissante. Alors forcément dans la grotte à Kiki, cela commence à manquer de place avec toutes ces boîtes, mais grâce au génie d'internet,  le dématérialisé est une solution toute trouvée pour éviter "l'overstock" et ces jeux empilés tout autour de moi.


    Lorsqu'il m'a parlé de Rogue's Tale, je me suis jeté sur la démo, puis sur le jeu en vente pour quelques pièces sur Desura. C'est tout simplement un jeu en 2D, tout mignon graphiquement - il cache bien son jeu le s**** avec sa petite bouille sur laquelle on peut zoomer -, qui vous propose de visiter des donjons de deux à six étages. Un roguelike au tour par tour dont les parties durent en général entre une à dix minutes. Ha bon, me dites-vous, est-il possible qu'un jeu se finisse si vite ? Bah oui, le mode hardcore obligatoire (permadeath !) et l'aléatoire des niveaux sont dangereux pour votre santé et viennent clore les parties plutôt rapidement.

     

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    Le début et la fin...

     

    Pourtant cela commence bien : On créé son petit bonhomme en choisissant son nom, sa coiffure, sa couleur, sa tenue et son sexe - très important selon les créatures que l'on va rencontrer, faudrait pas être négligé face à un orque qui voudrait nous en...gloutir.-

    On répartit deux petits points sur nos quatre caractéristiques qui débutent toutes à 6 et qui correspondent approximativement à la force, la vie, l'habileté et le charisme, et hop on se retrouve au premier niveau du donjon.
    Et là, on prie ! Parce que s'il y a un loup qui a élu domicile juste derrière la porte, on prend trois coups et c'est réglé.  Game over.  Une araignée vous pique et vous tombez quinze tours plus tard : empoisonné. Game over. Ha ! Vous tombez dans un piège rempli d'eau et vous n'arrivez pas à ressortir : noyé. Game Over ! Les ennemis se tapent dessus, une flèche rate sa cible et vous touche. Pouf, Game Over !

    Alors de temps en temps, cela se passe bien. Vous rencontrez des portes à défoncer ou à ouvrir, des pièges à trouver et à désamorcer et des gentils PNJ qui auront l'amabilité de vous apprendre des sorts ou vous mettront une baffe si vous êtes pas sage. Mort ! Game Over !

    Si vous finissez le premier niveau du donjon, on vous autorisera à voyager jusqu'au château du coin pour revendre vos trouvailles, dormir en payant votre chambre, acheter, crafter ou encore quelques trucs comme identifier vos objets, mais un problème se pose rapidement : les commerciaux sont des rapias de premier ordre avec leurs tarifs prohibitifs. Avec votre QI de 2, le moindre objet ramassé doit être identifié, même si vous le possédez en 5 exemplaires. Ainsi l'identification du slip à 20 pièces d'or revient cher, quand on sait qu'en retour, sa valeur marchande est d'1 pauvre pièce. Et si ce n'est pas identifié, les commerciaux n'en veulent pas ! Alors quand on sort du premier niveau avec 50 po, on fait très attention à son petit pécule et on évite de le disperser sachant qu'il faut boire et manger aussi.

    Il est dommage que le développeur ne soit pas plus souple dans cette économie, ce qui permettrait à des joueurs moins pointus de s'essayer à ce cauchemar ludique. Néanmoins, on apprend de ses erreurs et on apprend du jeu lui-même de nos très, très, très, très nombreuses parties très, très, très, très courtes. Et si, enfin, à force de persévérance, par le plus grands des miracles, vous finissez un donjon et êtes encore en vie, vous pourrez retourner en ville pour aller visiter un autre donjon qui vous mettra la plus grosse déculottée de votre vie avec des créatures de plus en plus puissantes. Ce jeu n'aime pas perdre et il vous le fera payer. Non, pas la hache d'orque ! Game Over !

     

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    Equipement et loot

     

    Pour jouer, les flèches du clavier sont suffisantes pour le déplacement, et différentes touches sont à utiliser pour vous équiper, sauter, se reposer, jeter ou tirer. Le choix des touches n'est pas forcément ergonomique, mais cela tourne, c'est l'essentiel. Et il vous faudra souvent appuyer sur la touche 5 du clavier numérique pour récupérer le moindre petit point de vie perdu, à condition d'avoir bien mangé et bien bu. Tout comme vous avez aussi des points de fatigue qu'il vaut mieux économiser car sans, défoncez une porte et vous vous exploserez dessus. Empalé. Game over ! 

    Tout comme dans Wazhack, le taux de mortalité est extrêmement élevé, voire plus, et le jeu ne s'adressera qu'aux plus téméraires/fous/gamers (rayez la mention inutile, normalement, c'est la dernière). A croire que le développeur n'a fait son jeu pour personne d'autre que lui et qu'il ne veut sûrement pas le vendre sur Desura. Alors je peux vous assurer que passer le cap du level 5 est vraiment un bonheur inestimable, mais surtout éphémère tellement la vie peut paraître courte. 

    Vous gagnez de l'expérience jusqu'au niveau 20 et on vous autorisera à chaque niveau à augmenter d'un point l'une des quatre caractéristiques. Quelques compétences se débloqueront au fil des parties si vous trouvez un objet précis au hasard de vos découvertes : le coin du feu permet d'acquérir des compétences de combat, le mannequin de défense ou encore la stèle de magie, des compétences de magie. Votre évolution dépendra de ce que vous trouverez et non de vos envies. L'environnement dicte ses lois.

    Sachez que dans le jeu, vous pouvez débloquer des succès et des challenges qui permettront d'acquérir directement des compétences à vos futurs personnages. Il faut remplir les conditions et quand au bout de cinquante parties, mon personnage n'a toujours pas dépassé le niveau cinq après avoir fini une seule fois un donjon, je me dis que j'ai encore du boulot pour devenir le SPLINTER CELL des temps modernes. Paf, un one-shot. Game Over !

     

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    Zoom sur une rencontre inopinée qui finit ... mal !

     

    Rogue's Tale est un jeu qui vous fera aimer Dark Souls tellement il peut paraître facile à côté. Mais le plus étrange dans cette affaire, c'est que j'y retourne tout le temps. Mais pour comprendre cette insatiété, je passe la parole à notre expert Skoeldpadda qui vous en dira bien plus que moi sur ce jeu, moi le drogué du RPG. AH ! la boîte collector de The Witcher 2 me tombe dessus ! Ecrasé par le buste du sorceleur ! Misère. Game Over. 

     


     

    Gracieusement invité par Killou à donner mon avis sur la bête, vous pensez bien que je ne vais pas me faire prier.

    Je joue à Rogue's Tale depuis longtemps, depuis les premières phases beta. Je l'aime bien mais je n'ai jamais passé le pas de la version payante et ce pour une raison fort simple : le jeu est effroyablement déséquilibré. J'y joue "pour rire," parce que le système "tu joues deux minutes et pouf t'es mort" m'amuse beaucoup, mais je pense qu'il ne vaut pas vraiment qu'on paye pour une "expérience complète." Il y a dans le monde du roguelike largement mieux pour largement moins (et souvent gratuit, je pense ne plus avoir besoin d'expliquer pourquoi je rechigne toujours à acheter un roguelike quand je vois la qualité du panel freeware. Allez donc faire un tour sur RogueBasin, pour voir)

    Je vais plus ou moins paraphraser Killpower en vous disant que Rogue's Tale a le même défaut que The Pit (testé ici même par mes soins délicats), à savoir que le taux d'aléatoire viendra obligatoirement empiéter sur la progression du joueur, jusqu'à rendre son choix de build caduque parce qu'il ne lootera rien qui lui permette de progresser et/ou tombera sur des ennemis trop résistants trop tôt. Là où The Pit essaie d'atteindre un semblant d'équilibre en fournissant des munitions par centaines qui permettront tout de même d'avancer en fondant sur les lignes adverses, Rogue's Tale tente de légitimer cet état de fait en axant son gameplay sur des parties ultra courtes où la seule réelle mission est de survivre, vous permettant de builder un seul et unique personnage au fil des parties.

     

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    Challenges et Héritages, vous n'êtes pas prêt de les voir ceux-là. 

     

    Chacun sa méthode, on préfèrera celle qu'on veut, mais le résultat est sensiblement le même : l'équilibre entre aléatoire et gameplay est extrêmement difficile à atteindre dans ces jeux où le joueur fait un choix en début de partie et doit faire avec. S'il n'a pas de chance et tombe dans un sous-terrain qui ne sied pas à sa classe, il mourra vite et recommencera. Ça devient vite une punition, surtout pour le néophyte. Et pourtant, c'est addictif. Terriblement addictif.

    Mourir sans arrêt est la mécanique de base du roguelike. "C'est le jeu," et de là découle la caractéristique éminemment survivaliste du genre. Dans un jeu aussi simpliste (voire passéiste) que Rogue's Tale, ça en devient cruel, mais le jeu semble curieusement en valoir la chandelle. Non content de découvrir un peu à la fois les dangers du monde numérique alentour, le fier aventurier verra en effet ses stats monter d'une partie à l'autre. On progresse dans la mort, concept étrange que les amateurs de Prince of Persia connaissent bien.
    Évidemment, avec un tel système va se poser la question de l'équilibre. Je le disais plus haut, Rogue's Tale en semble malheureusement dépourvu.

    Nombreux sont pourtant les roguelikes qui arrivent à un certain compromis. Stone Soup, par exemple, permet de choisir classe et race mais la classe influe de manière assez limitée sur les stats là où la race devient fondamentalement importante. Les adversaires vont avoir un comportement adapté à l'apparence physique du personnage, par exemple. Stone Soup fait également partie de ces jeux dits "Déistes" qui permettent au joueur d'adorer une ou plusieurs divinités. Certaines divinités favorisant certaines races, cette possibilité, non contente d'ajouter pas mal de background à l'environnement du jeu, offre une excellente balance entre l'aléatoire fondamentalement putois d'un générateur d'algorithme qui veut la mort du joueur et des mécaniques de jeu qui sont faites pour avantager dramatiquement son personnage s'il fait les bons choix. La connaissance du jeu et de son fonctionnement devient alors nettement plus importante que la chance et se sortir d'un sous-sol pourtant peu avantageux pour la classe de son personnage devient parfaitement possible.

     

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    Ballade et bilan de partie. Rapide efficace, sans pitié. 

     

    Rogue's Tale ne s'encombre pas de ce type de fonctionnalité puisqu'il prend le parti de faire raquer le joueur pour progresser. C'est un jeu à grind, avec une logique radicalement différente, du trial and error basique et punitif. Le problème, c'est que si ça marchait fort bien en 1980 dans Rogue où chaque partie était réellement unique, Rogue's Tale va souffrir de sa propre bonne idée. Il est en effet difficile de ne pas avoir ici un vague sentiment de cache misère : s'il permet de sauvegarder la progression du personnage d'une mort à l'autre et qu'il propose un système de "lègue" assez intéressant, Rogue's Tale ne m'a pas l'air d'avoir de réelle profondeur. Ainsi, contrairement à un Rogue Legacy, ce metroidvania déjanté où le fait de retourner à l'envie dans un donjon (généré alétoirement, bien entendu) pour looter toujours plus est le coeur du gameplay, se replonger encore et encore dans ceux de Rogue's Tale prend plus l'allure d'une vague astuce pour booster la durée de vie du soft. Recommencer n'a aucun impact sur le gameplay et on est confronté ad nauseam au même défi, aux mêmes ennemis, aux mêmes pièges, aux mêmes problèmes.


    Pour autant, ce suivi du personnage constitue bel et bien l'élément accrocheur du jeu. J'aime m'y faire massacrer sur une ou deux tentatives de temps à autre. Le jeu est joli et cela reprend la recette hyper-survivaliste que j'apprécie d'un bon clone de Rogue. Et je dis bien clone de Rogue, avec les règles passéistes et le peu de possibilités que ça sous-entend. On est loin d'y trouver le sentiment de progression d'un Dungeon of Dredmor ou de pouvoir profiter de la puissance de l'armement de DoomRL. De là à dire que Rogue's Tale ne s'adresse qu'aux hardcore gamers et aux fans de roguelikes...


    Article publié sur RPGFrance le 01.07.2013

    Un article co-écrit par Skoeldpadda et Killpower


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